TENDRE
un roman d'Alain Audebeau
Extrait : "Ça sentait drôle. Ce n’était pas une question d’odeur. Ni la réminiscence d’un parfum. Mais c’était dans l’air. Quelque chose comme un vent. Pas une fumée. Une idée. Voilà. Ça sentait drôle comme une idée. Et c’était cela, le problème. Car depuis longtemps, ici, l’idée était un concept inutile. Il ne leur serait même pas venu à l’esprit d’en avoir une. C’était dans l’air donc. Puis il y eut une petite vibration. Suivie d’une sorte de claquement de gorge. Tous, dans un même mouvement, se redressèrent et tournèrent la tête. Seul le vieux Tot ne broncha pas. Il s’y attendait.
Depuis quelque temps, il était assailli par un pressentiment. La nuit, il ne dormait plus. Les volets grands ouverts, il scrutait les ténèbres, le dais noir du ciel, avec sa clef brillante et scintillante tout en haut. Il se disait, en regardant l’étoile, Il ne faudrait pas qu’elle tombe, car alors, tout le ciel s’écroulerait. Cette pensée l’effrayait. Non pas de la conséquence dramatique qui en résulterait pour l’univers, mais parce qu’elle semblait vouloir le mettre en garde contre un évènement dont il redoutait l’émergence. Couché sur son grabat, il tendait le cou au plus loin de ses yeux afin d’arracher à la voûte céleste un indice qui lui donnerait un semblant d’explication. Un signe, se disait-il. Si ce que je pressens est vrai, il devrait y avoir un signe."