DOUZE ANS
ARMELLE LE GOLVAN
- Sale Arabe !
Je les laisse dire. Réfugiée derrière mes yeux bleus, ma crinière blonde, mon mépris. Assise sur le ciment inhospitalier des marches de l’entrée de l’immeuble, j’hésite. Remonter au quatrième ? Ou attendre ici son retour.
Peut-être qu’il leur clouera le bec ?
J’en doute.
Il fait bon, je profite de ces derniers rayons et des dernières minutes d’autorisation maternelle. Mes devoirs sont faits, refaits, digérés. Mes frères tapent dans un ballon bon marché sur le champ qui sert de terrain aux garçons du quartier. Quasiment que des mecs, quasiment aucun brin d’herbe. Toute une barre d’immeubles et une flopée de prédominance masculine. Pas de bol... les rares filles du Clos se doivent de jouer au foot, d’arborer le jean et les baskets de circonstance. Un trait de mascara ou une jupe nous auraient propulsées immédiatement dans le camp des « sales putes »
Dans ces H.L.M., on est toujours une ou un « Sale quelque chose ».
Ils s’éloignent, ces bien-pensants, ces « de la ville », fils de professeurs, ceux de mon collège, l’établissement malheureux qui est contraint après le C.M.2 d’accepter toutes les raclures de la zone à condition que leur niveau scolaire l’autorise. Pleurez, pauvres merdes ! Je suis excellente ! « Très bons résultats ?... Au Clos des Bûchets, peut-être... Mais ici ça va changer ! ». Et non... Au contraire. La colère me révèle, les humiliations me stimulent. Je suis bien meilleure que leurs progénitures. Et je n’ai pas à me forcer beaucoup.