BABY BOUM !
DE PHILIPPE JACQUET ET MICHEL PIERRAT
Illustration de couverture ALAIN ZOTOFF
Résumé :
Par une nuit glaciale dans une banlieue sordide, des truands s'entretuent pour la possession d'une tête de poupée. Jules Logan, privé revenu de tout, évite les balles qui sifflent autour de lui et récupère l'objet tant convoité. Mais les bandits ne sont pas tous morts, et décident de récupérer cette proie incongrue.
Logan a passé l'âge de jouer à la poupée, mais il n'aime pas qu'on lui tire dessus, surtout quand il ne comprend pas pourquoi. C'est pour mettre un nom sur ses agresseurs qu'il se lance dans une enquête où il va croiser des petites frappes de banlieue, des nostalgiques de l'Algérie française, une bourgeoise flamboyante et délurée, des militants anti avortement, des catholiques intégristes ou encore un chef de clinique qui fricote avec des politiciens véreux.
Chemin faisant, il va mettre à jour le passé peu reluisant de ceux qui sont censés assurer l'ordre et faire respecter les valeurs de la morale de la bonne France giscardienne.
EXTRAIT : il faisait un froid de canard ce jour-là, et en plus je venais de perdre un max de blé dans un poker infernal. Ce qui ne me mettait pas précisément de bonne humeur. Je ruminais sur mon manque de chance quand j’entendis que quelqu’un m’appelait. Un clochard avec un landau, le visage caché par une écharpe crasseuse et une casquette du même métal, s’arrêta près de moi.
⁃ Vous êtes bien Jules Logan, détective privé ?
Comme c'était bien moi, en effet, je manifestais le désir qu’on me foute la paix en hochant seulement la tête, que je gardais baissée, feignant d’admirer ses trésors.
Sa boîte à roulettes recelait un tas d'objets les plus hétéroclites. J'y reconnus un panier à salade – un vrai – une pomme d'arrosoir, une pompe à vélo, un baigneur en celluloïd, écartelé, sans tête, et un étui à violon.
Je m’attardais sur les mains qui poussaient la voiture aux merveilles. Battoirs larges et sales, mais dont, curieusement, les ongles, impeccablement taillés, semblaient sortir de la manucure. Je levai la tête aussitôt.
Le reste n’était pas très joli à voir, maintenant qu’il avait baissé son torchon. Je pouvais voir son menton barré d’une large balafre fraîchement repeinte et son pif éclaté, recouvert de sang lui aussi. Avec l’œil droit orné d’un coquard et le gauche fermé pour travaux, tout ça sentait son passage à tabac récent.
Il venait de me dire quelque chose car je voyais que ses lèvres gonflées s’agitaient frénétiquement. Malheureusement, je n’ai rien entendu car mon interlocuteur s’était décidé à locuter au moment où passait un train de marchandise. Le landau avait brinquebalé sous les trépidations du monstre ferroviaire, ajoutant au bruit qui emportait ses paroles.
De toute manière ce qu’il devait me dire ne devait certainement pas être très important car il avait cessé de me regarder et fixait un point sur mes arrières. D’un seul coup, il plongea ses belles mains d’artiste dans sa malle au trésor et en ouvrit l’étui du violon duquel il sortit un flingue qu’il brandit dans ma direction. Le coup de l’étui ne m’avait surpris qu’à moitié, j’avais déjà reconnu le danger quand il l’avait brusquement sorti de son fourbi, et m’étais jeté à terre en sortant mon feu.