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Luc Eyraud

laptiteheleneeditions Par Le 16/02/2017

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J’entre dans la cuisine. Elle l’a laissé dans la cuisine. Assis. Dans son  fauteuil médicalisé près de la fenêtre. Sûrement pour l’odeur ? Je me pense. Dehors il gèle, on est en montagne, aussi. La fenêtre ouverte, il est minuit passé.

- Il faut enlever la couverture. Qu’elle me dit.

Soit ! Je tire et je fais glisser. J’aperçois son visage. On dirait un œuf de Pâques. Elle m’a expliqué juste avant. Il est mort en s’étouffant. Et sa bouche n’a pas voulu se refermer. Ses yeux non plus. Rien n’est revenu. Ils ont du lui attacher la tête avec une bande de contention, Pour tout fermer. Comme un œuf. Mais la bouche est encore ouverte. Les yeux aussi. Même mort il lâche rien. Il aurait fallu resserrer le noeud au fur et à mesure. Mais, à cette heure-là, plus personne ne s’en occupe. Entre les paupières, son regard bleu et deux larmes qui perlent des yeux vitreux. Je ne veux même pas imaginer son agonie. La bouche ouverte malgré le nœud. Qui bave aussi. Il part demain matin. C’est peut-être pour ça que tout a chaviré après. Les autres ne l’ont pas vu comme moi. à la fenêtre. Assis. Il est mort, assis. Et il est resté comme ça jusqu’au sac des convoyeurs. Comme il était resté comme ça dans le froid toute la nuit. Sur son fauteuil médicalisé. Le lendemain pour le mettre dans le sac. Ils ont du le casser en deux. Ils n’avaient pas de brancard non plus, ils ont porté le sac chacun d’un coté, le sac a pris la forme cassée. Ils l’ont chargé dans le camion. Dans un sac ! Mortuaire ou pas, c’était un sac ! Voilà, il partait comme ça. C’est tout. Rien d’autre. Dans un sac. La gueule ouverte malgré le nœud qui serrait la mâchoire.  Il quitta chez lui, comme ça !